Saisine de la CIVI et absence de discernement de l'auteur
Cet arrêt apporte un nouvel éclairage concernant les conditions de saisine de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions.
En effet, l’article 706-3 permet aux victimes de « faits présentant le caractère matériel d'une infraction » d’obtenir réparation par le Fonds de Garantie.
Ce libellé permet de faire indemniser une victime de tels faits alors même qu’aucune poursuite ne serait engagée à l’encontre de l’auteur du dommage, que l’affaire aurait été classée sans suite, que l’acte ne serait pas pénalement répréhensible dans le pays où il a été commis (dès lors qu’il présente bien le caractère matériel d’une infraction au regard de la législation française), et alors même que l’auteur serait pénalement irresponsable.
L’arrêt en question se penche sur une situation tout à fait particulière, où un nourrisson de 4 mois avait été frappé à coups de hochet par un enfant de 2 ans, entraînant un traumatisme crânien sévère.
Les parents du nourrisson, conservant des séquelles importantes (DFP de 90 %), avaient saisi la CIVI, qui avait rejeté la demande en considérant que :
« Le fait pour un enfant de deux ans, de frapper un autre enfant avec un hochet de dentition ne constitue, compte tenu de son âge, ni une maladresse pouvant revêtir le caractère matériel de l'infraction de blessures involontaires, ni a fortiori un acte intentionnel. »
La Cour d’appel de Lyon avait infirmé la décision de première instance en considérant que :
« Le nourrisson ne pouvait avoir subi les blessures constatées sans l'intervention, volontaire ou non, d'un tiers ce qui établissait l'existence de faits présentant le caractère matériel de l'infraction de violences volontaires ou de blessures involontaires, rendant recevable la demande d'indemnisation devant la CIVI, ».
La Haute Cour confirme cette décision, estimant que la Cour d’appel avait légalement justifié sa position, peu importe l’identité des auteurs.
Cet arrêt se positionne à contre-courant d’une décision précédente de la même chambre (Cass. Civ. 2ème, 13 juin 2019, n°18-15.451) qui avait considéré que: « le fait pour un enfant de quatre ans de pousser son camarade de jeu pour lui prendre la voiturette qu'il tenait dans la main ne constituait pas, compte tenu de son âge, une maladresse ou une imprudence pouvant revêtir le caractère matériel de l'infraction de blessures involontaires ».
La décision de 2024 est à saluer.
En effet, elle est conforme à la lettre du texte qui n’a pas voulu faire du discernement des auteurs une condition de l’indemnisation, se concentrant simplement sur la matérialité des faits.
Cass civ 2ème 11.07.2024 n°22-24.713
lien de la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050044116