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Quid de la responsabilité de l'hôpital pour un chirurgien ayant manqué à son devoir d'information dans le cadre de son activité libérale, mais ayant opéré le patient dans le cadre du secteur

Julien DEYRES

Avocat au Barreau de Lyon

 

 

        

 

   

  

 

Dans cet arrêt du 6 octobre 2022, publié au Recueil Lebon, le Conseil d’Etat précise comment procéder lorsqu’un patient, opéré dans le cadre du service public, a subi les conséquences d’une faute dans l’indication opératoire et dans l’information commise par le chirurgien dans le cadre de son activité libérale.

Cette décision vient utilement apprécier une situation qui n’est pas rare en pratique, celle où le chirurgien prend en charge un patient, à la fois dans le cadre du secteur privé et dans le cadre du secteur public.

Dans les faits, Monsieur C. a bénéficié d’une intervention chirurgicale au Centre hospitalier de Vichy par le praticien hospitalier qui l’avait suivi auparavant dans le cadre de son activité libérale.

Or, il s’avère que l’indication thérapeutique posée par le chirurgien à titre libéral était erronée, et que l’information préalable à l’intervention n’était pas suffisante.

Hormis ces manquements, aucune faute dans la technique chirurgicale, ni dans le suivi post-opératoire proprement dit, n’avait été relevée à l’encontre du Centre Hospitalier de Vichy.

La question était donc simple : qui doit indemniser les conséquences de ces fautes ? En pratique, si en effet ces manquements avaient été commis dans un cadre libéral, la conséquence de ces manquements s’était manifestée dans le cadre du secteur public.

Pour le Conseil d’Etat, il est possible de retenir la responsabilité du Centre hospitalier. En effet :

« La responsabilité de l’établissement public de santé dans lequel le patient a été pris en charge dans le cadre de l’activité libérale du praticien peut néanmoins être engagée, dès lors que les dommages invoqués sont imputables à un mauvais fonctionnement du service public résultant, soit d’une mauvaise installation des locaux, soit d’un matériel défectueux, soit d’une faute commise par un agent de l’établissement mis à disposition du praticien exerçant à titre libéral.

 D’autre part, il appartient au praticien qui réalise une intervention chirurgicale de s’assurer, au vu des données médicales dont il dispose, de la pertinence de l’indication thérapeutique sur la base de laquelle elle a été prescrite.

 Dès lors, lorsque l’intervention est réalisée au sein du service public, y compris par un praticien hospitalier qui a lui-même posé l’indication thérapeutique dans l’exercice de son activité libérale, la faute commise dans le choix de cette indication thérapeutique est de nature à engager la responsabilité du service public hospitalier, alors même que l’exécution de l’opération n’a pas été par elle-même fautive. »

Pour autant, le Conseil d’Etat précise bien « qu’il est toutefois loisible à l’établissement public de former une action récursoire contre l’auteur initial du choix thérapeutique à l’origine de la faute commise ».

En résumé, si un chirurgien libéral pose un diagnostic, cela n’empêche pas le praticien hospitalier de vérifier si l’intervention chirurgicale préconisée est bien adaptée à la pathologie du patient.

A défaut, ce manquement est de nature à porter en lui-même l’intégralité du dommage.

La solution est la même dans le cadre d’un défaut d’information, ou d’insuffisance d’information délivrée par le praticien libéral, qui ne dispense pas le service public hospitalier de délivrer une information conforme dans le cadre de la prise en charge qui va avoir lieu en son sein.

Une solution qui paraît de bon sens, à l’heure où les mêmes praticiens peuvent exercer dans des cadres juridiques différents.

  • CE, 5ème et 6ème CH, 6 octobre 2022, n° 446764

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000046381393?init=true&page=1&query=446764&searchField=ALL&tab_selection=all

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