Présomption de faute en cas de dossier médical lacunaire
Cet arrêt de la Cour de cassation apporte de nouvelles précisions sur la position à adopter en cas de dossier médical incomplet.
En l’espèce, au cours d’une arthroscopie de la hanche, une personne avait subi la rupture d’une broche.
Pour réaliser une arthroscopie, la Société française d’arthroscopie recommandait de commencer l’intervention par une introduction d’air puis de sérum physiologique dans l'articulation.
Or, cette introduction n’était pas retranscrite dans le compte-rendu opératoire.
Lors de l’expertise, le chirurgien avait cependant indiqué y recourir systématiquement.
Pour la cour d’appel, « l’état séquellaire en lien direct avec la rupture de la broche pouvait avoir deux origines distinctes, soit sa constitution anatomique, soit un manquement du chirurgien qui n'aurait pas suivi la recommandation », ce qui ne constituait qu’une hypothèse, non avérée, de sorte que le patient n’établissait pas l’existence d’une faute du chirurgien.
Cette décision est cassée au visa des articles L. 11142-1 I du Code de la santé publique et 1315-3 du Code civil.
Pour la Haute Cour, « en l'absence d'éléments permettant d'établir que la recommandation précitée avait été suivie, il appartenait au médecin d'apporter la preuve que les soins avaient été appropriés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
Autrement dit, en cas de dossier médical lacunaire concernant la réalisation d’un acte recommandé, il existerait une « présomption de faute » du médecin !
Ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation se prononce en faveur d’une sanction en cas de dossier médical incomplet.
Dans un arrêt du 26 septembre 2018 (n°17-20.143), elle avait déjà jugé que, ayant relevé que la polyclinique avait perdu le dossier médical et que la patiente n'était pas en mesure d’apporter la preuve qu'aucune faute n'avait été commise, les juges du fond avaient justement énoncé que cette faute imputable à la polyclinique avait fait perdre à l'intéressée la chance d'obtenir la réparation de son dommage.
Cette position diverge de celle du Conseil d’État qui, le 1er février 2022 (n°44852), avait retenu que « l'incapacité de l’hôpital à communiquer aux experts judiciaires l'intégralité du dossier médical n'était pas, en tant que telle, de nature à établir l'existence de manquements fautifs de l'établissement de santé » …
L’arrêt de la Cour de cassation, rend fondamentale la bonne tenue du dossier médical et la traçabilité des interventions des professionnels de santé !
Cass Civ 1ère 16.10.2024 n°22-23.433
lien de la décision : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000050384792?init=true&page=1&query=22-23.433&searchField=ALL&tab_selection=all