Possibilité d'indemniser une perte de chance lorsque la demande porte sur l'entier dommage
La Cour de cassation vient de rendre deux arrêts qui auront un impact certain en matière de droit du dommage corporel.
Dans ce domaine, il n’est pas rare d’avoir à appliquer la notion de « perte de chance », laquelle est définie comme la disparition certaine d’une éventualité favorable.
À titre d’exemple, on peut penser au salarié d’une entreprise qui postule à un poste hiérarchiquement supérieur au sein de la même société.
Avant que le poste ne lui soit attribué, ce salarié est victime d’un accident l’empêchant d’occuper ce poste, lequel est alors donné à un autre salarié.
Si l’accident n’avait pas eu lieu, il n’est pas certain que la victime aurait obtenu ce poste.
Le préjudice qui peut être réparé est donc la « perte de chance » pour ce salarié d’obtenir la promotion envisagée.
La question qui s’est posée devant la Cour de cassation est celle de la nature de la perte de chance.
Si l’on demande l’indemnisation de l’entier dommage, et que le juge estime qu’il ne s’agit que d’une perte de chance, peut-il indemniser cette dernière sans changer l’objet du litige ?
Autrement dit, est-ce qu’une demande au titre d’une « perte de chance » est totalement indépendante d’une demande au titre de l’entier dommage ?
Dans les deux espèces, les cours d’appel avaient rejeté les demandes d’indemnisation totale, considérant que la faute n’avait causé qu’une perte de chance d’éviter une perte financière.
L’Assemblée plénière de la Cour de cassation casse ces arrêts.
Elle considère que :
« La reconnaissance d'une perte de chance permet de réparer une part de l'entier dommage, déterminée à hauteur de la chance perdue, lorsque ce dommage n'est pas juridiquement réparable. Le préjudice ainsi réparé, bien que distinct de l'entier dommage, en demeure dépendant. »
Elle conclut que :
« Le juge peut rechercher l'existence d'une perte de chance d'éviter le dommage alors que lui était demandée la réparation de l'entier préjudice ; il lui incombe alors d'inviter les parties à présenter leurs observations quant à l'existence d'une perte de chance.
Le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée. »
Une solution logique, dès lors que la perte de chance ne peut être totalement déconnectée de l’entier dommage !
Ass Plen 27.06.2025 n°22-21.146 et 22-21.812
Liens de la décision : https://www.courdecassation.fr/decision/685e2a6e19f3995126284627
https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000051824027?init=true&page=1&query=&searchField=ALL&tab_selection=juri